La passion des livres : la bibliothèque de Raymond et Véronique Schiltz

En août 2019, la famille Schiltz-Cœuré-Prochasson a souhaité verser à la bibliothèque de l’Institut de France un ensemble de livres et d’archives ayant appartenu à Véronique Schiltz (1942-2019), membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

Les archives ont été choisies comme les plus significatives parmi la masse de documents accumulés au cours de la longue carrière de Véronique Schiltz : textes et épreuves de ses publications, dossiers préparatoires d’expositions et catalogues associés (dont la fameuse exposition sur l’Or des Scythes), communications savantes lors de colloques…

La bibliothèque de l'Institut rend hommage à Véronique Schiltz et à son père, Raymond Schiltz, en présentant une sélection des livres et archives du fonds Schiltz. Cette exposition s'est tenue du 19 septembre 2020 au 5 février 2021.

 

Véronique Schiltz (1942-2019)

 Portrait de Véronique Schiltz

Portrait de Véronique Schiltz en habit d'académicien (© Académie des Inscriptions et Belles Lettres)

 

Véronique Schiltz fut une archéologue spécialiste mondialement reconnue de l'histoire et des civilisations des peuples de la steppe et traductrice des œuvres de Joseph Brodsky. Elle fut élue membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres le 2 décembre 2011, au fauteuil de Robert-Henri Bautier, après avoir été nommée correspondant en succédant à Roland Recht, le 7 novembre 2003.

Agrégée de lettres classiques et docteur ès lettres, chargée de cours à l'université Paris IV-Sorbonne en iconographie antique et art du Proche-Orient (1981-1987), elle fut maître de conférences jusqu’en 2000 à la faculté des lettres et sciences humaines de l’université de Franche-Comté, dont elle dirigea la section d’archéologie et d’histoire de l’art.

Orientaliste et helléniste, elle s'intéressa au monde russe, mais plus particulièrement aux peuples des steppes que les Grecs anciens appelaient Scythes.

Des rives du fleuve Jaune à celles du Danube, ces éleveurs, cavaliers et guerriers se distinguaient par leur mode de vie, très mobile, et par leur perception du monde. Les Scythes, qui ont connu leur apogée entre le VIIe siècle av. J.-C. et la fin de l'Antiquité, ont très tôt fait l’objet de l’étude érudite de Véronique Schiltz, et particulièrement leur goût des chevaux et de l'or ainsi que leurs tertres funéraires, les kourganes.

Véronique Schiltz fut successivement commissaire des expositions L'Or des Scythes (1975), Histoires de kourganes (1992), Les Scythes et les nomades des steppes, VIIIe siècle av. J.-C. - Ier siècle après J.-C. (1994), L'Or des Sarmates (1995) et L'Or des Amazones (2001).

Quai de Conti, elle participait aux travaux de nombreuses commissions de l’AIBL et contribua aussi à l’organisation de plusieurs colloques de la Villa Kérylos, et notamment de celui consacré à « La Grèce dans les profondeurs de l’Asie », dont les actes sont parus en 2016. Elle était aussi l’un des trois directeurs des Monuments Piot, la revue d’art de l’Académie.

Membre de l’Institut d’études slaves, russophone, elle a noué des liens solides avec nombre de chercheurs russes et en particulier avec le musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Passionnément attachée à la culture russe (littérature, musique, danse...), elle accompagna également des membres éminents de l'intelligentsia soviétique, en particulier ceux proches de la dissidence de l'ère Brejnev. C’est le cas notamment de Joseph Brodsky (1940-1996), l'un des plus grands écrivains russes du XXe siècle, prix Nobel de littérature 1987, expulsé d'URSS en 1972. Elle l’avait rencontré dès 1965 à son retour du camp d'Arkhangelsk, où l'avait conduit son « parasitisme social » et en resta toujours très proche en étant sa principale traductrice après son départ d’URSS.

 

Raymond Schiltz (1902-1984)

 

Collectionneur, amoureux des livres, des éditions rares d’auteurs contemporains, des ouvrages anciens du XVIe au XIXe siècle, des belles reliures, des gravures et illustrations célèbres, rares ou curieuses, des ex-libris dont le sien, gravé à Vienne par Maria Jungwirth dans les années 1930, Raymond Schiltz n’a jamais cessé, depuis sa jeunesse, d’explorer les « boîtes » des quais, les salles de vente, les bouquinistes, et d’échanger avec ses amis bibliophiles et conservateurs de bibliothèques. 

La bibliothèque de Raymond Schiltz témoigne d’une incroyable diversité d’intérêts : latiniste hors pair, il était capable de citer intégralement le De natura rerum de Lucrèce. Germaniste, il fut professeur à l’Institut français de Vienne de 1929 à 1938, éditeur d’œuvres de Heine, commentateur de Nietzsche. Il faut noter sa prédilection pour le XVIIIe siècle dans ses aspects parfois très peu connus. Il a constitué une véritable « bibliothèque Voltaire », transmise ensuite à ses enfants Catherine, Bruno (mort en 2012) et Véronique (décédée en 2019). 

Raymond Schiltz a été successivement proviseur des lycées Giraudoux à Châteauroux, Champollion à Grenoble, et Louis-le-Grand à Paris, puis inspecteur général. Il a poursuivi parallèlement des recherches et publié des articles sur Heine, Giraudoux, Renan, Rousseau, Voltaire.  

De Raymond Schiltz procède assurément, chez Véronique Schiltz, la grande diversité des recherches toujours portées par les textes, les documents et l’amour des beaux livres, même si les intérêts de la fille furent, on le sait, fort différents de ceux du père, et qu’aux « belles lettres » se sont ajoutées les « inscriptions » et les civilisations des steppes d’Asie centrale.

 

Quelques dates : 

  • 23 juillet 1902 : naissance de Raymond Schiltz à Souilly (Meuse). Son père est receveur d’enregistrement. 
  • Premère Guerre mondiale : lycéen à Rennes où sa famille a trouvé refuge.
  • Début des années 1920 :khâgne au lycée Louis-le-Grand à Paris, licence ès lettres à la Sorbonne. 
  • 1922 : École normale supérieure de la rue d’Ulm. Inscrit à l’École pratique des Hautes Études. 
  • 1925 : reçu à l’agrégation de Lettres. 
  • 1926-1929 : pensionnaire de la Fondation Thiers. Germaniste, il prépare une thèse sur Henri Heine. 
  • 1929-1938 : professeur à l’Institut français de Vienne, il donne des cours à l’Université. 
  • Avril 1936 : il se marie à Rome. Le couple aura 3 enfants. 
  • Septembre 1939 : nommé censeur au lycée de Chambéry, il est mobilisé comme lieutenant au ministère de l’Information. 
  • Octobre 1940 : proviseur du lycée de garçons de Châteauroux. 
  • 1948 : mutation au lycée Champollion à Grenoble où il dirige le Centre pédagogique régional. 
  • 1955-1968 : proviseur du lycée Louis-le-Grand. 
  • 1968 :après avoir pris sa retraite, il est nommé inspecteur général de l’Instruction publique.

 

Publications : 

  • Fin des années 1920 : Raymond Schiltz prépare une édition du Lorely, souvenir d’Allemagne de Gérard de Nerval, intégrée dans l’édition par Albert Béguin des œuvres de Nerval dans la Bibliothèque de la Pléiade. 
  • 1930 : traduction française dans la collection bilingue chez Aubier-Montaigne de Französische Zustände (De la France) de Heine. 
  • 1964 : il donne une édition critique du Journal du séjour à Grenoble de Jean-Jacques Rousseau de Gaspard Bovier (1733?-1806) chez Roissard. 
  • 1965 : chez Roissard, article sur « Voltaire et Louis-le-Grand » à l’occasion des 400 ans du lycée.

Raymond Schiltz collabora aussi à des revues universitaires ou pédagogiques : Revue de littérature comparéeRevue d’histoire moderne et contemporaineCahiers pédagogiquesL’École et la vie… 

 

Crédits

Commissaires :

Sylvie Biet, conservateur en chef des bibliothèques

Dominique Drouin, conservateur des bibliothèques

Olivier Thomas, bibliothécaire assistant spécialisé

Sous la responsabilité de Françoise Bérard, directrice de la bibliothèque

 

Remerciements à :

Ghislaine Vanier pour le montage de l’exposition

Aurélia Salahou pour la réalisation de l’affiche et la mise en forme des cartels et du livret d’exposition

Cécile Bouet pour la communication

Et à toute l’équipe de la bibliothèque.

 

Photographies :

Sauf mention contraire, ©Bibliothèque de l’Institut de France

 

Accès à l'exposition :

(Il est possible d'accéder à une version plein écran des images en cliquant dessus)